Dictons, proverbes et sous-entendus
Si les dictons et proverbes basques révèlent le caractère et la philosophie de ses habitants, en Gascogne, ils font la part belle aux sous-entendus.
« On a souvent considéré que les proverbes, dictons et autres aphorismes reflétaient non seulement la sagesse des nations, mais qu’ils étaient aussi la mémoire d’un peuple. C’est particulièrement vrai pour le Pays basque, dont l’ancienneté n’est plus à prouver, même si la littérature écrite n’a que quatre siècles, d’où l’importance chez nous de la transmission orale ».
Ainsi s’ouvre l’ouvrage sur les dictons, sagesses et proverbes basques, de Philippe Oyhamburu 1. Cet ambassadeur de la culture basque avait pris soin de rassembler ces trésors de l’oralité, « en sélectionnant les plus caractéristiques et les plus élégamment tournés quant à la forme ».
Il y constatait l’omniprésence de proverbes philosophiques, politiques, sociaux, religieux et historiques. « Le bon sens, la perspicacité et la créativité émanaient souvent des plus humbles, caractéristique typiquement euskarienne d’ailleurs », notait-il. Les dictons et proverbes sont égrenés au gré de chapitres ancrés dans le quotidien : Le temps qu’il fait ; Les gens ; Comportements, attitudes ; Les animaux ; Environnement naturel ; Au fil des jours, des mois et des saisons.
De ce recueil unique paru en 2011 émane une philosophie de la vie, à l’image du proverbe « Neguak edertzen du uda » (« L’hiver rend l’été plus beau »), « une philosophie pleine de sérénité qui aide à supporter le froid et les mauvais moments en attendant les beaux jours, au propre comme au figuré », commente Philippe Oyhamburu. Ou encore « Estrella ura. Edaten ari da » (« L’étoile est en train de boire »), une évocation de l’arc-en-ciel quand l’une de ses cornes semble de terminer dans une rivière.
La joie de vivre est tout aussi présente : « Irriz hartu zorigaitza zorion bilakatzen » (« Accueille en riant le malheur, il deviendra bonheur »). La maison, si essentielle au Pays Basque, occupe une place de choix : « Herrik bere lege, etxek bere aztura » (« Chaque pays sa loi, chaque maison sa coutume ») ; « Begira ezak etxea, begiraturen hai etxeak » (« Protège ta maison, elle te protégera »). L’ensemble de ces dictons et proverbes révèlent la mémoire d’un peuple pour qui le respect de la parole est sacré : Hitza Hitz (« Le mot est mot »).
Sous-entendus gascons
Le Béarnais maîtriserait trois langues : le français, le béarnais et le sous-entendu. Pour le journaliste et rédacteur en chef adjoint de la République des Pyrénées, « la langue béarnaise regorge de ces expressions qui suggèrent bien plus qu’elles ne disent »2.
Au gré de son enquête auprès de sommités locales, il émet l’hypothèse selon laquelle « le sous-entendu ne relèverait pas de l’hypocrisie, mais bien d’un noble art. Une sorte d’expression béarnaise ultime de la courtoisie ». L’auteur béarnais Jean Turan y voit un moyen de « diminuer l’invective avec délicatesse ».
« Pour cela, nous disons souvent le mot « un peu » : din. Par exemple : il est un peu orgueilleux, un peu bête, etc. Les sous-entendus sont toujours dits avec humour, humilité, il ne faut pas que ça coupe l’ambiance ! ». Ainsi, cet artisan retraité recense-t-il depuis deux ans les expressions, sous-entendus et proverbes qui étaient encore couramment employés dans le langage des Béarnais au XXe siècle. « Siatz lous dé qui càou ! » (« Soyons ce qu’il faut être »), tel est le titre du recueil qu’il décline en trois tomes. Jean Turan dispose d’une source inépuisable de proverbes et expressions, ceux de sa jeunesse dans le monde rural béarnais.
« Je me souviens de ce patois parlé par ces paysans, ces artisans travaillant dans le milieu agricole », se remémore-t-il. « Leurs expressions, ou arrepourèrs, étaient employées à la volée, cela faisait partie de notre « culture ». Jean Turan et le dessinateur Matthieu Algayon font revivre ces scènes de vie empreintes d’un humour certain et d’une réelle finesse. À parcourir sans modération pour découvrir ou redécouvrir « la cultura noste ».
1 « Dictons, sagesses et proverbes basques », par Philippe Oyhamburu, De Boree Editions.
2 « Le sous-entendu : art ou défaut béarnais », par Eric Bély, La République des Pyrénées, août 2013.
3 « Siatz lous dé qui càou ! », par Jean Turan et Matthieu Algayon, imprimerie ICN.