Un café avec … Lydia Scappini
Responsable du pôle arts visuels de la Ville d’Anglet, Lydia Scappini nous présente l’exposition événement de l’été. C’est quoi le plan B ? de Gérard Deschamps, visible à la Villa Beatrix Enea et à la Galerie Pompidou jusqu’au 31 octobre.
Comment s’est fait le choix de cette exposition ?
Lydia Scappini : Chaque exposition est construite autour d’axes de travail définis par la direction de la culture, notamment celui de mettre en valeur des artistes français vivants. Gérard Deschamps s’est imposé comme une évidence. C’est un artiste majeur, encore méconnu, rattaché au mouvement du Nouveau Réalisme aux côtés de figures telles qu’Yves Klein, Arman, Martial Raysse, César ou encore Niki de Saint Phalle. Il n’en reste aujourd’hui que deux représentants vivants, dont lui. Ce qui m’a particulièrement séduite dans sa démarche, c’est sa capacité à poétiser les objets du quotidien.
Pour ceux qui ne le connaissent pas, qui est Gérard Deschamps ?
L.S. : C’est un artiste en constante quête de renouvellement. Figure emblématique du Nouveau Réalisme dans les années 1960, il défend une vision artistique ancrée dans le réel. Il réinvente notre perception du monde matériel à travers l’usage d’objets de consommation. Sa pratique mêle hasard, mémoire et détournement. Il se considère lui-même comme un archéologue-conservateur : son travail rend compte d’une époque, d’un imaginaire collectif.
À partir de 1986, il entame une nouvelle phase artistique marquée par l’apparition de couleurs fluo, de textures inédites et par la création de panoplies inspirées du surf ou encore de ballons de plage. En 2004, il réalise ses célèbres pneumostructures : des sculptures à base de jouets gonflables.
Comment se prépare une telle exposition ?
L.S. : J’ai commencé à y travailler il y a presque deux ans. Un peu plus tard, j’ai pris contact avec deux collectionneurs privés, puis directement avec Gérard Deschamps. Je suis allée le rencontrer, plans des espaces d’exposition en main, pour penser avec lui la scénographie. Il a tout de suite été très réceptif à notre proposition.
Comment s’est déroulée votre rencontre avec l’artiste ?
L.S. : Très naturellement. Il s’est même renseigné sur la ville d’Anglet. En découvrant son identité de ville de surf, il a conçu une œuvre intégrant deux planches. Pour les pneumostructures, il a exploré des catalogues et sélectionné les objets gonflables qui lui parlaient. Il a imaginé des suspensions spécifiques pour la Galerie Pompidou afin d’investir l’espace en volume. Initialement, une seule œuvre était envisagée, mais il a préféré en proposer plusieurs, créant ainsi un parcours immersif.
Comment l’exposition a-t-elle été montée ?
L.S. : Avec l’équipe, nous avons suivi les indications précises de Gérard Deschamps, notamment pour le choix des modules gonflables. Nous avons réalisé plusieurs essais pour comprendre les contraintes techniques, déterminer les matériaux nécessaires et assurer l’équilibre de l’ensemble. C’était un vrai travail d’équipe où nous nous sommes mis dans la peau de l’artiste.
Pouvez-vous nous présenter C’est quoi le plan B ?
L.S. : L’exposition se déploie sur deux lieux : à la Villa Beatrix Enea, on peut découvrir deux œuvres créées en 2025 ainsi qu’un ensemble de pièces datant des années 60 à aujourd’hui, issues de collections privées.
La Galerie Pompidou accueille, quant à elle, une Pneumostructure monumentale, composée de plus de 200 jouets gonflables inspirés de l’univers balnéaire. Une œuvre inédite, suspendue, pensée spécifiquement pour ce lieu et produite par la Ville d’Anglet.
Pourquoi faut-il absolument aller voir cette exposition ?
L.S. : C’est une exposition joyeuse, accessible, et pleine de surprises. Les familles vont apprécier. Les enfants seront attirés par les couleurs vives et les formes ludiques des objets suspendus. Les adultes y retrouveront une part de leur enfance à travers ces objets familiers. Les passionnés de culture de glisse y verront un clin d’œil à leur sport. Et plus largement, elle s’adresse à tous ceux qui souhaitent éveiller leur curiosité ou se laisser bousculer par une démarche artistique originale. C’est quoi le plan B ? C’est une exposition colorée, audacieuse, tonique, et idéale pour l’été.
En savoir plus sur Gérard Deschamps
Autodidacte, Gérard Deschamps commence la peinture à l’âge de 16 ans dans laquelle il va rapidement insérer de la matière. Puis la matière s’échappe de ses toiles pour devenir œuvre à elle seule : «Je n’ai pas abandonné la peinture. J’ai constaté qu’elle n’était pas seulement dans les tubes».
Ses œuvres sont le fruit du travail d’un artiste en perpétuelle recherche de renouveau : «Il y a une grande part de hasard, même pour les combinaisons d’objets dans les panoplies. Cela doit se concrétiser tout seul». De ses propres termes, Gérard Deschamps est à la fois archéologue et conservateur, sa démarche est «de rendre compte d’une époque». «C’est un travail archéologique, un travail de protection».
Ses plissages se voient brutalement stoppés en novembre 1957 par l’appel à la guerre d’Algérie durant 27 mois. A son retour, Deschamps se tourne vers l’utilisation des dessous féminins, déclinant un camaïeu de roses et de teintes de chair. Ici encore, l’artiste se place en historien. «Il s’agissait d’objets de récupération parce que les vêtements et la lingerie féminine étaient très cher à l’époque». Ces œuvres furent l’objet de nombreux scandales. Le plus célèbre concerne une galerie située sur la passage de la procession du saint sacrement à Milan. > Œuvres visibles à la Villa Beatrix Enea à Anglet.
Marqué par son expérience militaire, Deschamps replonge à partir de 1961 dans son passé afin de transmettre son témoignage de la guerre. Il fit notamment tout un travail sur une série de plaques de blindage : «J’ai demandé à ceux qui faisaient des essais d’y remettre quelques balles. C’était vraiment fait de façon artisanale et expérimentale.» S’en suivirent ses œuvres sur des tôles irisées, des bâches militaires, des sculptures en morceaux d’avion puis plus tard, des barrettes militaires géantes (1965). > Œuvres visibles à la Villa Beatrix Enea à Anglet.
A partir de 1986, Gérard Deschamps revisite son art. Couleurs fluo, nouvelles textures avec des panoplies sur le thème du surf, des ballons de plage avec en 2004 ses célèbres pneumostructures. En 2012, il est élevé au grade d’officier de l’ordre des Arts et des Lettres.
Pour info
Exposition C’est quoi le plan B ?
- Galerie Pompidou et Villa Beatrix Enea,
- Jusqu’au 31 octobre
- Entrée libre
- Jusqu’au 30 août : du mardi au samedi : 11h – 13h / 14h-18 h. Ouvert le 15 août
- Du 2 septembre au 31 octobre : du mardi au vendredi : 14h – 18h et le samedi : 11h – 13h / 14h-18 h.