Ados, parents et réseaux sociaux

Ça se passe en ville Jeunesse Santé et Bien être

7 octobre 2025 4 min

Avant le rendez-vous Santé bien-être sur la santé mentale des jeunes qui a lieu le mardi 7 octobre à Anglet, Jocelyn Lachance partage son analyse sur l’usage des réseaux sociaux chez les adolescents. Le sociologue, qui interviendra lors de la conférence, donne quelques pistes pour les parents déboussolés par cet univers numérique.

Jocelyn Lachance, socio-anthropologue spécialiste de l’adolescence, est docteur en sociologie (Université de Strasbourg) et en sciences de l’éducation (Université Laval). Enseignant à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, il est membre de l’Observatoire Jeunes et Société de Québec et codirecteur de la collection « Adologiques » (PUL et Hermann). Il est notamment l’auteur du Guide des usages des réseaux sociaux.

Comment les jeunes peuvent-ils grandir à l’ère des réseaux sociaux ?

Jocelyn Lachance : Les adolescents sont en pleine construction identitaire. Ils cherchent à devenir adultes, à se définir, tout en étant confrontés aux attentes de leurs parents, qui souhaitent les voir s’autonomiser tout en gardant un œil sur leur vie. Les réseaux sociaux deviennent alors un terrain d’expérimentation : les jeunes s’y exposent pour obtenir des retours, tester des comportements, affiner leurs choix. Ces plateformes offrent une multitude de possibilités pour expérimenter et se confronter au regard des autres.
Dans cette période d’incertitude, les adolescents ont besoin de validation pour se construire. Ils évoluent dans un monde hyperconnecté, où les injonctions parentales les poussent à être joignables en permanence. Cela soulève une question essentielle : comment peuvent-ils réellement s’autonomiser dans ces conditions ?
Certains adolescents choisissent de ne pas répondre à leurs parents, d’autres utilisent la déconnexion comme stratégie d’autonomie. Il arrive même qu’ils se réfugient dans des lieux comme les toilettes pour répondre discrètement aux messages. Ces comportements traduisent une tension entre le besoin d’indépendance et la pression de la connectivité.

La surveillance parentale est-elle un frein à l’autonomisation ?

J.L. : Les nouveaux outils numériques à disposition des parents redéfinissent la parentalité. Accès aux notes en temps réel, suivi des dépenses, géolocalisation… Ces données objectives tendent à remplacer le dialogue. Le rituel de montrer son bulletin, ou de réfléchir à comment expliquer une mauvaise note sur le chemin du retour, disparaît. Or, ces moments sont essentiels à la construction de la confiance et à l’élaboration de la pensée.

Dans un monde perçu comme dangereux et compétitif, la tentation de surveiller ses enfants est forte. Pourtant, échapper provisoirement au regard parental est indispensable au processus d’autonomisation.

Mentalement, ce n’est pas évident pour les jeunes !

J.L. : Effectivement, les jeunes sont tiraillés, et pas seulement entre les injonctions de leurs parents et l’attirance vers leur smartphone. Les réseaux sociaux imposent aussi un travail psychique aux jeunes : celui d’apprendre à attendre. Aujourd’hui, dès qu’une question surgit, ils dégainent leur smartphone pour chercher une réponse, que ce soit sur les moteurs de recherche et aujourd’hui l’IA. Les adultes aussi sont dans ce schéma de fonctionnement ! Pour l’adolescent, résister à cette immédiateté, patienter pour interroger un adulte, devient un véritable effort mental.

Comment doivent se comporter les parents ?

J.L. : Les parents doivent respecter l’intimité ( y compris l’intimité numérique) de leurs enfants, et instaurer un climat de confiance. L’interdiction pure et simple n’est pas constructive : elle engendre souvent l’effet inverse. Beaucoup de jeunes perçoivent les adultes comme ayant une vision négative du numérique, ce qui les pousse à éviter le sujet.

En cas de situations délicates (photos à caractère sexuel, harcèlement…), les adolescents doivent pouvoir se tourner vers leurs parents en toute confiance. Or, les interdictions trop strictes les incitent à cacher leurs pratiques et à ne pas en parler.

C’est tout de même agaçant de voir son adolescent scroller pendant des heures !

J.L. : Les adolescents utilisent les réseaux sociaux pour se confronter au regard des autres, mais aussi pour gérer leur stress. Certains s’en servent pour se recentrer, écouter de la musique, rester dans leur bulle.
Souvent, les parents posent les mauvaises questions : « qu’est-ce que tu regardes sur tiktok par exemple » alors qu’ils plutôt se questionner sur les raisons qui poussent à scroller. Trop souvent, on se focalise sur ce que les jeunes voient, sans se demander pourquoi ils le cherchent.

Les jeunes ont-ils conscience des effets des réseaux sociaux ?

J.L. : Une enquête menée par l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) montre que les jeunes sont conscients des effets positifs et négatifs des réseaux sociaux. Ces outils peuvent être délétères, mais aussi source de bien-être, notamment lorsqu’ils permettent de partager des idées au sein de groupes.

Pourquoi venir assister à la conférence du mardi 7 octobre ?

J.L. : Je ne peux qu’encourager les parents à venir à la conférence. Elle leur offrira un regard différent sur les pratiques numériques des jeunes, et pourra les aider à adopter une posture plus ouverte. Cela pourrait permettre de renouer le dialogue avec leurs adolescents et de sortir d’une situation conflictuelle.

Conférence sur la santé mentales des jeunes

Quand : Mardi 7 octobre, 18 h 30

Où : Salle des fêtes d’Anglet, 1, rue Amédée Dufourg à Anglet.

Sur réservation : billet

par Alexandra Partager