Les coutumes funéraires au Pays basque et en Gascogne

Ça se passe en ville

7 novembre 2024 4 min

Au Pays basque et en Gascogne, de nombreux rituels permettaient aux proches et à la communauté d’accompagner le défunt, faire le deuil et célébrer la vie. Les premiers voisins y tenaient un rôle clé.

« De nos jours, les coutumes funéraires sont en train de changer en Gascogne, mais les vieilles coutumes n’ont pas toutes disparu et sont encore connues », relatait André Bareigts dans un article sur les coutumes funéraires en Gascogne paru dans la revue Reclams en 1992. De son côté, la Maison Cridel, entreprise familiale de pompes funèbres, observe des rites funéraires basques quelque peu allégés. « Le moment de veillée du mort est beaucoup moins long qu’auparavant. Il ne concerne que la famille proche du défunt, et n’implique plus le voisinage, comme c’était le cas avant. »

L’indispensable voisin

De tous temps, les voisins étaient pourtant des acteurs essentiels des rituels funéraires. Au Pays basque, lorsqu’une personne était mourante, on appelait d’abord le premier voisin (lehen auzoa, leenatea, kurutzeketaria) afin qu’il prévienne le médecin et le prêtre. « Chaque famille a trois ou quatre voisins. Ces voisins sont souvent pris sur le chemin qui va de la maison à l’église. Ils aident la famille pour les naissances, les mariages, les décès… Dès qu’il y a un mort, les voisins sont avertis par la famille », souligne André Bareigt.

« Aussitôt, les deux premiers voisins vont à l’église chercher la croix spéciale pour les morts et deux cierges. Ils avertissent le curé, ainsi que la benoîte ou la personne en charge qui leur donne la croix et les deux cierges. » La benoîte (serora ou andere serora en basque) désignait la gardienne de l’église et du cimetière. Le rôle des voisins ne se réduit pas à l’annonce. « Ils se chargent de nourrir le bétail, de faire les litières, de traire les vaches et même de faire la cuisine jusqu’au jour de l’enterrement. »

Alerter les abeilles

Cette communauté de liens est précieuse pour la famille du défunt. Le premier voisin aide les femmes à laver et habiller le mort. Ce travail se nomme amourtalha dans une partie de la Gascogne. « Au Pays basque, la benoîte et les voisins s’occupent de la décoration et de la préparation du lit mortuaire avec des draps en lin blanc », ajoute Charles Martin, de l’association Anglet Patrimoines.

Autre rituel, plus surprenant : alerter les abeilles. « Après avoir préparé le mort, un homme de la famille, souvent le fils, allait avertir les abeilles. En certains endroits, on ouvrait les ruches », note André Bareigts.

Vient le moment de fixer le jour de l’enterrement avec le curé. Cela fait, les voisins sont chargés de prévenir la famille lointaine. « C’est à partir de 1875 qu’a commencé l’habitude en Gascogne de faire paraître l’avis de décès d’une personne avec le jour, l’heure et l’endroit de l’enterrement », écrit André Bareigts.

La femme perpétue la vie

Le jour venu, le cortège funéraire s’ébranle de la maison pour se rendre à l’église. « Le corps était transporté par un chemin spécifique à chaque maison », mentionne l’auteur basque Xamar (Le Pays de la langue basque). Ce chemin portait différents noms : elizabide (« chemin de l’église ») à Uhart-Cize, gorputzbide (« chemin du corps ») à Ataun, andabide à Kortezubi, zurrunbide (« chemin du cadavre ») en Navarre… Le cortège funéraire répond lui aussi à des codes précis (hilbidea). Ainsi, la première voisine de la maison du défunt est chargée de porter la cire de deuil (ezko). « Il est essentiel que l’ezko soit porté par une femme ayant le statut de première voisine de l’etxe du défunt. Symboliquement, c’est la femme qui donne la vie et transmet la lumière de la vie. Sa présence signifie que la vie se perpétue malgré la mort d’un membre de la communauté », explique la Maison Cridel.

 Le « verre du convoi »

Durant l’office religieux, les chants funèbres résonnaient. Depuis la fin du XIXe siècle, c’est le chant Estela de la Mar qui est entonné lors de la messe d’obsèques dans les Landes. Il est né sous l’impulsion des missionnaires de Buglose, en particulier du chanoine Louis Bonnet qui en a écrit les paroles. La version béarnaise se nomme Boune May dou Boun Diu, la version basque Jainkoaren Ama. « Au cimetière, le charpentier a préparé tout le nécessaire pour descendre le cercueil dans la tombe. Les agriculteurs et laboureurs sont aussi lapidaires, ceux qui édifient les stèles discoïdales basques composées de symboles choisis par la famille », précise Charles Martin. L’usage étant de reproduire les outils correspondant au métier du défunt.

« Après l’inhumation, la famille et les invités se rendaient dans la maison du défunt célébrer ce que l’on appelait le “repas de la messe” », rappelle l’écrivain basque Xamar. En Gascogne, la famille offrait à chacun un verre de vin appelé le « verre du convoi ».

par Yannick Partager

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